L’évolution de la prise de conscience des effets néfastes du plastique, que ce soit au niveau environnemental ou sanitaire, de sa production à son élimination ou à son abandon dans la nature, a conduit à certaines avancées ces dernières années notamment concernant la mise sur le marché de plastique à usage unique.
Au niveau international, la Conférence des Parties à la convention de Bâle a intégré en mai 2019 les déchets plastiques dans les déchets devant être soumis à un formalisme plus ou moins contraignant, selon les types de plastique et la facilité à les recycler.
Au niveau européen, une directive européenne prévoit l’interdiction de la mise sur le marché de plusieurs produits en plastique à usage unique identifiés comme facilement remplaçables par des alternatives plus durables.
Au niveau national, on peut évoquer la loi anti-gaspillage adoptée en janvier 2020 qui complète et élargit certaines interdictions de lois précédentes.
Localement, certaines collectivités se sont lancées dans des politiques publiques volontaristes. C’est le cas, par exemple, du SMICVAL et de sa stratégie 2020-2030 IMPACT adoptée en avril 2019, ou de la Ville de Bordeaux et de sa démarche zéro plastique à usage unique de la Ville de Bordeaux adoptée en octobre 2019 et qu’il reste à mettre en pratique.
Ces avancées législatives et réglementaires s’accompagnent d’une forte volonté citoyenne participant à la démarche Zero Waste.
Seulement voilà, la crise sanitaire que nous traversons a conduit à un retour important du plastique à usage unique. Du fait du travail de désinformation des lobbies du plastique sur les prétendues vertus sanitaires du plastique à usage unique ou du manque de prise de recul sur les solutions à adopter pour répondre à des contraintes logistiques et temporelles nouvelles, le plastique fait son grand retour. Pourtant, l’évolution des connaissances sur le plastique et leur médiatisation (le documentaire The Story of Plastic, le livre Survivre au péril plastique de Matthieu Combe aux éditions Rue de l’échiquier…) pousse à réfléchir à d’autres solutions.
Parmi ces alternatives au plastique à usage unique, le bambou s’impose souvent comme étant – a priori – plus saine et plus durable. Or, les objets en bambou, notamment la vaisselle et les couverts, peuvent ne pas être sans conséquence sur la santé. C’est ce que met en avant une étude de 60 millions de consommateurs parue en janvier 2020.
Ces objets en bambou sont, en effet, réalisés avec de la poudre ou des fibres de bambou agglomérées. Pour créer des objets avec cette matière, il faut un agglomérant : la résine plastique de mélamine-formaldéhyde. Cette substance peut avoir des effets sur la santé allant d’irritations de la peau, des difficultés respiratoire, à des maux de tête, des troubles du sommeil et même des cancers du nasopharynx par irritation du système respiratoire.
Régulièrement, la répression des fraudes pointe une « une migration de composants [vers] les aliments » et un « risque chimique’ » la poussant à retirer du marché un objet en bambou sur dix. Comme pour le plastique en contact avec les aliments, la migration des composants des objets en bambou vers les aliments est favorisée lorsqu’il est chauffé ou en contact avec de la matière grasse ou des aliments et boissons acides.
En France, rien ne réglemente la poudre de bambou, quand d’autres pays comme l’Autriche ont dors et déjà pris la décision d’interdire la vente d’objets en bambou.
Du point de vue environnemental, comme souvent, c’est sa production excessive et les étapes de transformation qui impactent le caractère écologique du bambou et non le bambou en lui-même. En soi, le bambou participe efficacement à capter le CO² et à lutter contre l’érosion des sols grâce à son réseau racinaire. Il se développe très facilement naturellement, sans aucun intrant.
Le problème réside dans la surutilisation du bambou, que ce soit en remplacement de plastiques à usage unique, dans les vêtements sous forme de viscose de bambou ou dans les meubles. Comme tout phénomène de mode, il est promis à une consommation de masse et donc à une production de masse que les petites exploitations durables ne suffisent plus à assouvir, et entraîne de ce fait l’explosion du nombre d’exploitations gigantesques participant à une déforestation massive.
Lors de sa transformation, l’utilisation de produits chimiques tels que la soude ou le sulfure d’hydrogène plombe également son bilan décidément loin d’être à la hauteur des promesses d’un matériel sain et durable.
Il s’agit donc de ne pas se précipiter vers des alternatives aux plastiques à usage unique tout aussi néfastes pour notre santé et notre environnement. Les matériaux inertes, comme l’inox de bonne qualité, le verre, la porcelaine sont résolument à privilégier, puisqu’ils sont sains et participent à la réduction des déchets et donc à la préservation des ressources.
Si en cette période de crise sanitaire liée au Covid-19, la tentation peut être grande de se réfugier derrière certains objets à usage unique, par peur, par mésinformation, c’est une erreur que de reléguer les problématiques environnementales et sanitaires moins immédiates à des temps plus lointains sous peine de nourrir la crise climatique et écologique en cours et à venir.