À l’approche du vote au Sénat de la loi fast fashion, prévu le 10 juin prochain, nous interpellons les sénateur.ices girondins afin qu’ils/elles rétablissent – ou maintiennent – les dispositions ambitieuses initialement prévues.
Votée à l’Assemblée nationale en mars 2024, cette loi représentait une avancée significative face à l’urgence environnementale et sociale posée par la fast fashion. Mais son passage en commission sénatoriale l’a vidée de sa substance, en supprimant plusieurs leviers d’action clairs et efficaces.
Parmi les reculs majeurs :
– L’indexation des pénalités sur l’éco-score français, précis et contraignant, est remplacée par une formulation vague : une « durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs ».
– Une définition rigoureuse de la fast fashion, incluant un seuil de gamme (10 000 références), un critère incitatif à la réparation (si le coût est inférieur à 33 % du prix d’achat), et l’inclusion des plateformes multimarques, a été abandonnée. Rien de concret ne la remplace, laissant la porte ouverte à un décret ultérieur… potentiellement influencé par des lobbies favorables à l’exclusion des plateformes multimarques, ce qui permettrait aux géants de l’ultra fast fashion d’échapper à toute régulation.
– L’interdiction de toute publicité pour la fast fashion est réduite à une simple interdiction des collaborations entre marques et influenceurs.
Cette version affaiblie de la loi rate complètement sa cible : réduire l’impact environnemental global du secteur. Pourtant, la fast fashion représente un triple danger :
– Sanitaire, avec l’utilisation massive de pesticides ;
– Économique, en menaçant nos emplois textiles locaux ;
– Environnemental, en transformant nos territoires en véritables décharges à ciel ouvert.
Il est donc de la responsabilité de nos élus de défendre l’intérêt général et de protéger les citoyens face à ce fléau. À eux de faire le bon choix le 10 juin.
Ci-dessous Ll’integralité du courrier adressé aux sénatrices et sénateurs :
Monsieur le Sénateur, Madame la Sénatrice,
Nous nous permettons de vous écrire pour attirer votre attention sur l’urgence de rehausser l’ambition de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile lors de son passage en plénière du Sénat le 2 et 3 juin 2025.
Chaque année, 150 milliards de vêtements sont produits, représentant jusqu’à 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cette surproduction effrénée entraîne non seulement une pollution massive, mais aussi des violations des droits humains, comme le travail forcé et des conditions indignes. À cela s’ajoute la crise des déchets textiles avec plus de 800 000 tonnes de vêtements mises sur le marché en France chaque année. Face à de telles quantités, l’actuelle crise des exutoires de la filière entraîne un blocage sans précédent de la collecte, nécessitant de réinterroger en priorité l’amont de la chaîne et les pratiques de consommation.
La proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile est porteuse d’espoirs en ce qu’elle encadre les pratiques de l’industrie textile par des lois contraignantes. Cependant, sa modification le 19 mars dernier en commission aménagement du territoire et développement durable affaiblit largement son ambition.
Modifiée avec l’objectif de ne cibler que les acteurs étrangers de la mode en ligne, principalement Shein et Temu, la version actuelle de la loi manque son objectif principal, celui de limiter l’impact environnemental du secteur dans son entièreté. Au-delà de cette perte d’ambition, les dispositions prises par le Sénat visant à “épargner” certains acteurs du secteur, pourraient finalement permettre aux enseignes visées d’échapper elles-mêmes à l’application de la loi.
En tant que collectif d’associations de Gironde, nous vous demandons de faire preuve de courage politique en rétablissant ou maintenant dans la loi les dispositions suivantes :
– Indexer les primes et les pénalités sur la méthodologie d’affichage environnemental textile française, qui comble les failles de la méthodologie européenne et permet de mettre en place un juste système de bonus/malus, avec une granularité permise par la finesse du score.
– Définir la fast-fashion directement dans la loi en incluant les plateformes multimarques afin d’éviter les lacunes et retards liés à l’adoption ultérieure de seuils par décret ainsi que de créer des failles dans lesquelles les places de marché pourraient s’engouffrer en étant considérées comme plateformes multimarques.
– Rétablir l’interdiction totale de la publicité tel que recommandé dans le rapport IGF, IGAC & IGEDD comme mesure favorisant les actes d’achats responsables face à la hausse de communications commerciales provenant du secteur.
Afin d’échanger plus en détail sur ce sujet, notamment si vous souhaitez voir de vos propres yeux la réalité de la fast-fashion en visitant nos locaux, nous nous tenons à votre disposition pour un rendez-vous à votre convenance.
En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette demande cruciale pour l’avenir de notre planète et le respect des droits humains, je vous prie d’agréer, Monsieur le Sénateur, Madame la Sénatrice, l’expression de ma haute considération.