Après un article sur Petite Marelle, nous continuons notre série de portraits avec l’Atelier D’éco Solidaire, ressourcerie, atelier créatif et tiers lieu impliqué dans la sensibilisation à la réduction des déchets et au réemploi.
#Zoom sur c’est une série de portraits d’acteurs, agissant pour un monde de demain réfléchi et durable en lien avec la réduction des déchets et la lutte contre le gaspillage. 

# 09 – Zoom sur l’Atelier D’éco Solidaire – entretien avec Fabrice Kaïd

Fabrice, ravi de t’accueillir pour ce nouvel article Zoom. Tu vas nous parler aujourd’hui de l’atelier D’éco Solidaire. Tout d’abord, parle-nous sa genèse. De quand date l’atelier ? Qui en a été à l’origine et à l’issu de quel déclic ?

FK : L’association a été créée en 2010 par Nathalie et moi qui avons fait un parcours dans la presse en créant un magazine de déco à faire soi-même.
Le déclic s’est produit grâce à un article sur France Info qui présentait une Ressourcerie. Nous avons estimé, accompagnés par plusieurs bénévoles, pouvoir jouer un rôle dans le développement de cette démarche. C’est pourquoi, nous avons interrogé les pouvoirs publics pour savoir si le sujet allait être traité par les services déchets. Ce qui nous a été confirmé avec l’objectif de créer les infrastructures et que l’association remplisse la mission d’optimiser le réemploi des objets et des matières. Ainsi, avec un peu de retard, nous avons ouvert le lieu actuel en septembre 2012.

Quand on voit le site de l’atelier D’éco Solidaire, on a l’impression que le lieu est bien plus qu’une boutique. Concrètement, cet espace, c’est quoi ? 

FK : En effet, la boutique est l’une des fonctions avec l’exposition vente de ce que nous collectons à domicile ou en apport volontaire. C’est aussi une animation de territoire pour trouver des solutions pour l’ensemble du mobilier professionnel au rebut. C’est bien sûr la vocation créative de la structure, en créant des emplois dans les métiers de l’artisanat d’art qui nous permet de vendre de magnifiques pièces uniques au showroom. Cette démarche de création se complète par une offre d’aménagement d’espace personnalisé pour les collectivités et les entreprises.
Dans cette dynamique, nous assurons un rôle éducatif très important dans le secteur scolaire et universitaire sur la sensibilisation à la réduction des déchets et à la réparation. Nous avons goût à transmettre nos savoirs à travers des modules de formation professionnelle. Surtout, c’est un formidable lieu de diversité humaine et de lien qui associe des femmes et des hommes de 17 à 77 ans au service de la transition écologique et du bien commun.

Donc, l’atelier est un lieu physique de création et de ventes ou y a-t-il y a d’autres actions menées également ?

FK : Nous sommes très investis pour transmettre nos valeurs et nos savoirs à des groupes qui vont de l’école primaire au secondaire en passant par les instituts thérapeutiques (ITEP). Cette démarche se formalise en visites d’atelier ou en programmes longs qui incluent la transformation de la matières et l’approche des métiers manuels.
Avec les écoles supérieures, notamment en formation design, nous les accompagnons pour qu’ils se confrontent à la matière de seconde main afin d’en connaitre les limites et de compenser par plus de créativité.
Pour aller plus loin dans les productions intellectuelles de nos expérimentations, nous pilotons un projet Erasmus+ qui implique, à l’échelle européenne, plusieurs pays dans la création de module de formation autour de l’entrepreneuriat en lien avec la seconde vie des objets et des matières.

Si on parle chiffres, l’atelier, ça représente combien aujourd’hui de clients, quelles quantités de mobiliers qui ont évité le chemin de la déchèterie ? 

FK : Sur une année de référence sans covid, c’est près de 70 000 visiteurs que nous recevons pour 230 tonnes d’objets et matières qui trouvent une seconde vie.

Et saurais-tu nous dire le rayon des objets qui arrivent et le rayonnement des clients qui viennent chez vous ?

FK : Nous sommes plutôt spécialisés dans les objets déco de la maison et le mobilier professionnel. Nous ne récupérons pas de matériel électrique et électronique. L’un des secteurs les plus porteurs après le mobilier qui est la locomotive, c’est la catégorie “bibelot” qui comprend chez nous la vaisselle, les objets déco et les bibelots.
L’attraction générale des objets que nous vendons est pour partie liée au fait que ce sont des pièces uniques qui ont été déposées aujourd’hui et qu’on ne retrouvera peut-être plus. A ceci s’ajoute une véritable opportunité de prix très bas. Pour la partie du mobilier customisé, ce sont des personnes qui veulent acheter avec du sens aussi bien esthétique qu’éthique.

Si on parle emplois & activités, la structure représente combien d’employé(e)s, de stagiaires, de bénévoles ? 

FK : Nous aimons retenir la valeur travail globale de l’activité qui représente 27 personnes à plein temps. Dans cet ensemble, nous avons 15 salariés en majorité en CDI, 5 volontaires en service civique, 42 bénévoles et un nombre conséquent de stagiaires en orientation chez Pôle Emploi ou des stages métiers. Nous recevons aussi des TIGistes qui sont des personnes condamnées à exécuter une peine de travail d’intérêt général.

Donc côté financement. Comment l’ADS fonctionne ? Quel est votre modèle économique ? Avez-vous des partenaires, des sponsors, des financeurs ? 

FK : Nous avons dès le début pu créer cette activité grâce au partenariat établi avec Bordeaux Métropole sur la réduction des déchets. A ce titre, le bâtiment nous est mis à disposition.
Nous assurons 80% de recettes autonomes, le complément étant principalement produit par les aides à l’emploi.
Dès l’origine, nous avons beaucoup travaillé avec les entreprises et quelques fondations ou organismes publics qui nous ont permis d’investir dans du matériel qui facilite notre travail.

Y a-t-il déjà eu ou y a-t-il encore des freins dans votre action au quotidien et, si oui, lesquels ?  

FK : Le frein principal est notre dépendance aux politiques publiques. Nous sommes la priorité de solution dans le schéma de traitement des déchets. Pour autant, la majorité des moyens vont vers le recyclage, l’incinération ou l’enfouissement. Si nous ne disposions pas des locaux, nous n’aurions jamais pu mener les actions de ces 11 dernières années.
Sans fausse modestie, nous estimons qu’avec les moyens mis à notre disposition, nous avons rendu un véritable service pour un territoire engagé dans le zéro gaspillage, zéro déchet. Nous avons pu démontrer bon nombre d’innovations sur le sujet du réemploi, de l’inclusion sociale et de l’influence. Il nous en reste beaucoup à faire et à apprendre dans ce champ d’action de la préservation des ressources.

Actuellement, le site est implanté à Bordeaux (7 Rue la Motte Picquet). Vous avez d’autres projets d’ouverture ou des projets d’extension ?

FK : Nous avons toujours eu dans les cartons d’implanter des recycleries de quartier, notamment dans les quartiers prioritaires. Nous l’avons fait plusieurs années au Grand Parc et aux Aubiers avec des retours très positifs et une grande utilité pour les habitants. Toutefois, le modèle économique a contraint d’imposer la fermeture. C’est un dossier toujours prêt à se rouvrir, notamment en lien avec la Mairie de Bordeaux qui a placé ce sujet dans ses objectifs.
Par ailleurs, nous sommes investis en tant que cofondateur dans le projet, ÏKOS, qui travaille à l’ouverture d’un village du réemploi en 2024 à Bordeaux Nord. C’est une échelle jamais concrétisée en France qui, je l’espère, en inspirera bien d’autres et portera le développement de solutions de réemploi sur l’ensemble de la Nouvelle Aquitaine, même à taille micro.

Et donc demain ? Avez-vous prévu d’étendre l’offre proposée, tant en termes de produits proposés qu’en activités ? 

FK : Pour ce qui concerne l’offre, le principe est de s’associer avec 9 confrères dans ÏKOS pour élargir le choix de produits de seconde main afin de toucher tous les secteurs. Nous concernant, sauf si nous ouvrons des structures dans les quartiers, nous nous spécialiserons dans l’univers de la déco et du mobilier qui n’est pas traité par les autres acteurs.
En complément, nous aurons une activité beaucoup plus développée sur le transfert de savoirs concernant la réparation, la transformation créative et la coopération européenne.

Concrètement, je suis citoyen(n)e de Nouvelle-Aquitaine, je découvre votre projet via l’article et aime beaucoup le principe : comment puis-je soutenir votre projet ? Que puis-je ramener, que puis-je faire ?

FK : Si vous êtes un particulier vous pouvez déposer vos objets à la recyclerie aux horaires d’ouverture ou vous équiper de seconde main avec des objets en l’état ou transformés de manière créative.
Si vous êtes une entreprise, vous pouvez déposer vos mobiliers et mieux encore, faire appel à notre décoratrice pour aménager un espace singulier, éthique et sur mesure.
Si vous souhaitez participer en tant que bénévole, vous pouvez envoyer un mail pour être invité à une réunion d’information.

Fabrice, avec Nathalie Kaïd, tu es au quotidien dans l’accompagnement, la formation, la vente, la solidarité ou encore l’échange. Si tu n’en avais qu’un. Quel serait ton rêve ? 

FK : C’est l’accompagnement des personnes dans leur épanouissement dans la transition écologique à but solidaire que je retiendrais.

Fabrice, grâce à cet échange et aux actions menées par toi, Nathalie et l’ensemble des équipes de l’Atelier d’Eco Solidaire, nous avons pu découvrir que nos biens du quotidien – que ce soit notre mobilier, nos selles, nos textiles ou encore d’autres matières comme les caisses de vin – n’ont pas forcément un trajet à une direction unique, c’est à dire la déchèterie.
Quel plaisir de pouvoir constater que ces objets, ayant évités ce statut de déchet, donnent à nouveau des articles, d’autant plus uniques et plus vivants que leurs prédécesseurs.
Merci beaucoup pour cet échange, Fabrice, et un grand bravo à l’ensemble de l’équipe pour votre action au quotidien. Un mot pour conclure ? 

FK : A travers nos engagements, nous créons une caisse de résonance d’une volonté collective des gens d’agir pour le système du réemploi et plus largement de la transition écologique.

Bravo aux 2 co-fondateurs : Nathalie & Fabrice Kaïd et à l’ensemble de leur équipe.

Pour plus d’infos, retrouvez-les sur :
https://atelierdecosolidaire.com/
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Propos recueillis par Cédric LOY, Zero Waste Bordeaux