#Zoom sur c’est une série de portraits d’acteurs, agissant pour un monde de demain réfléchi et durable en lien avec la réduction des déchets et la lutte contre le gaspillage. 
Après un article sur La Recyclerie Sportive, nous continuons notre série de portraits avec Boxeaty, un acteur engagé dans la lutte contre la lutte contre les déchets plastiques dans le monde de la restauration à emporter et collective.

# 06 – Zoom sur Boxeaty – entretien avec Élise Fillette : 

Elise, nous allons parler aujourd’hui de BoxEaty. BoxEaty, c’est quoi ? Quelles sont ses actions ?

EF : BoxEaty est une filière de réemploi dédiée aux contenants alimentaires.

L’idée est de rendre accessible la consigne à toutes & tous, à tous les professionnels de la restauration et de remplacer leurs emballages jetables par des contenants réutilisables suite à un constat.

L’objectif est donc de faciliter le réemploi, en gérant pour tous ces professionnels l’ensemble de la chaîne de valeur : l’approvisionnement, le conditionnement, le nettoyage, les flux logistiques ou même encore la fourniture d’indicateurs d’impact. Les professionnels se concentrent alors sur les repas et BoxEaty sur toute la gestion de la consigne.

Et concrètement, à qui vous adressez-vous ?

EF : Tout d’abord, aux professionnels de la restauration rapide. Par exemple, pour le restaurateur en bas de chez toi, qui fait de la vente à emporter, nous allons travailler avec lui pour remplacer l’ensemble des contenants jetables (plastique, carton, cellulose) par des contenants réutilisables. Car ces contenants jetables, quelle que soit leur matière, ont un coût financier mais aussi et surtout un coût environnemental quant à sa fabrication et à son traitement.

Nous récupérons alors les contenants utilisés auprès de ces professionnels et leur apportons d’autres, propres.

Un exemple concret : nous travaillons actuellement avec la Boulangerie Perrin pour développer cette manière de consommer dans leurs établissements.

Nous intervenons également auprès de la restauration collective avec les cuisines centrales, notamment le portage de repas à domicile ou les cantines scolaires, car ce gisement de déchets est certes moins visible, mais tout aussi important.

Imagine les repas livrés quotidiennement par portion dans les cantines ou aux personnages âgées, avec certaines fois des emballages jetables pour chaque plat (entrée, plat, dessert,…). Tu peux te retrouver facilement avec 4/5 emballages par jour pour une seule personne !

Nous sommes actuellement en phase de test avec le SIVU, première cuisine centrale de Nouvelle-Aquitaine (livraison à domicile aux personnes âgées sur Bordeaux/Mérignac). C’est un flux de 23 500 repas par jour, sur 200 sites (écoliers, séniors, agents municipaux) qui est concerné.

Enfin, notre troisième et dernière cible sont les industriels du secteur de l’agro-alimentaire : des choses sont en cours de test.

Pourquoi le pot de yaourt en verre ou plastique jetable, le pot de confiture en verre devraient-ils terminer à la poubelle ?

Pour résumer, BoxEaty a vocation d’intervenir sur tous types de contenants alimentaires (hors bouteilles).

Depuis quand date l’entreprise et quel a été le déclic pour sa création ?

EF : L’entreprise a été créée en Juin 2019, le projet lui date de Septembre 2018 avec des débuts chez l’incubateur dédié au Développement Social & Solidaire, ATIS.

Avant, je travaillais chez CDiscount avec une prise de repas tous les midis dans un foodtruck pour la plupart des salarié(e)s. Résultat, une durée de vie de l’emballage de maximum 15min avant de terminer dans la poubelle. Même si j’amenais mes propres couverts, certes, je trouvais qu’il y a avait un gâchis énorme.

Yann Thielin, le 1er fondateur, avait la même idée en tête en ce moment. Nous nous sommes donc rapprochés par le biais de David Bertolle, le dernier co-fondateur.
La phase test a donc eu lieu tout l’été avec les foodtrucks de CDiscount.

Quelles ont été et quelles sont les difficultés dans votre action au quotidien ? 

EF : Premièrement, le fait d’être entrepreneur et donc de tout avoir à gérer : la nécessité d’être multitâches, mais en même temps c’est ça qui est très intéressant et enrichissant.

Les difficultés ont surtout été liées à l’éducation et la sensibilisation. L’éducation des restaurateurs mais aussi des citoyens pour les amener à changer leur façon de fonctionner. Faire prendre conscience que le fonctionnement de la consigne n’est pas désuet ou ringard. Au contraire, nous la remettons au goût du jour.

Pour y remédier, nous tenons des stands de sensibilisation dans un nouveau restaurant partenaire : 2h pendant la pause déjeuner pour s’occuper des clients et les sensibiliser, pendant que le restaurateur s’occupe des ventes et du service des repas.

Pourquoi l’employé de bureau, consommateur 2/3 fois par semaine d’un repas à emporter, ne pourrait-il pas en effet mettre son contenant réutilisable de côté, et le ramener ? Surtout qu’aucun surcoût ne lui incombe.

Et BoxEaty, ça représente combien aujourd’hui de restaurants adhérents et de repas livrés ?

EF : Cela représente une cinquantaine de restaurants partenaires sur Bordeaux et la métropole.

Depuis sa création, BoxEaty a également permis d’éviter 61 000 emballages incinérés, jetés dans la Nature ou enfouis, soit plus d’une 1.8 tonne.

Concrètement, d’ici à 2023, il y aura l’obligation par la loi AGEC pour tous les restaurants (y compris de restauration rapide) de servir les repas consommés sur place (et différentes échéances jusqu’en 2040 pour repas à emporter). Autant donc pour le restaurateur de s’y prendre le plus tôt possible, en étant accompagné.

Et si on parle des coûts : combien concrètement cela coûte à un restaurateur de passer sur des contenants réutilisables ? Et pour le client ?

EF : Nos contenants réutilisables ont le même coût pour le restaurateur qu’un contenant jetable : entre 50 à 80cts d’euro la location du service par contenant et par utilisation, avec toute la logistique et le nettoyage compris. Le coût est donc le même que pour un emballage jetable. Des options sont également possibles comme la fourniture d’indicateurs d’impacts.

Si le restaurant est autonome dans le nettoyage de ses contenants, nous l’accompagnons dans la transition et dans la sensibilisation, via un abonnement mensuel avec des prix dégressifs pouvant aller jusqu’à 15cts en fonction des quantités utilisées. Et ces lieux font, bien sûr, également partie de notre réseau.

Pour le client, une consigne de 4€ est demandée et est restituée au retour du contenant. Pour les clients réguliers, un système de jetons consigne donné/récupéré par le client est également mis en place, pour limiter au maximum les contraintes.

Et si on parle de l’utilisation, de la difficulté de mise en œuvre, pour le professionnel de la restauration et pour le client ?

EF : Pour le professionnel, notre objectif est assurément de leur permettre de remplacer leurs contenants, pour être plus vertueux, mais sans contrainte additionnelle. Nous voyons donc avec lui ses besoins propres, tant au niveau de la fréquence des collectes que des types de contenants.

En effet, nous pouvons adapter notre fréquence de récupération des contenants utilisés de 1 à 5 fois par semaine, ou encore le format des contenants en fonction des repas distribués (ronds/rectangles). Cette collecte des contenants sales, se réalisant dans le même temps que l’amenée des contenants propres, se fait par Les Coursiers Bordelais, Pickup ou d’autres coursiers à vélos cargos, pour rester cohérents avec l’idée de lutter efficacement et durablement contre le changement climatique et les atteintes de notre environnement. Ceci permet aussi de faire travailler des acteurs locaux.

Cette alternative est donc plus une opportunité qu’une contrainte pour les restaurateurs car les difficultés liées à l’approvisionnement ou aux coûts toujours plus importants sont d’actualité.

Pour les restaurateurs, nous avons également mis en place une carte fidélité Zéro Déchet : au bout de 10 tampons sur la carte, le client reçoit une contrepartie (repas, dessert, réduction,…) de la part du restaurateur : ceci dans le but de fidéliser le plus grand nombre au Zéro Déchet.

Nous laissons également l’opportunité aux professionnels de la restauration de conserver la distribution de contenants jetables, par exemple pour un client ne désirant pas le système de consigne ou pour un touriste étranger. Au final, actuellement, c’est près d’un repas sur trois en moyenne qui est distribué via le système de consigne. Il y a donc encore beaucoup à faire, surtout au niveau de la sensibilisation !

Concernant le client, le retour du contenant peut se faire dans n’importe quel restaurant du réseau, pas forcément le restaurant où vous avez acheté votre repas. Une étiquette résistance au lavage se trouve sur chaque contenant, permettant au consommateur de voir la liste de tous les établissements partenaires.

Pour résumer, nous proposons aux consommateurs 3 façons différentes : l’échange d’un récipient sale contre un autre propre / l’échange d’un récipient sale pour récupérer ses 4€ / ou l’échange contre un jeton en résidu de fibres de bois.

D’où une simplification au maximum de l’utilisation de la consigne, à la fois pour le restaurateur et pour le consommateur.

Actuellement, BoxEaty agit en Gironde, c’est ça ? Et demain ? Avez-vous prévu d’étendre sa portée ou son champ d’actions et, si oui, à quelle échelle ?

EF : BoxEaty intervient en effet à ce jour uniquement sur Bordeaux.

Mais via le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, ADEME et Citeo, nous avons prévu de nous développer sur toute la région, notamment dans des grandes villes comme Pau et La Rochelle.

Nous souhaitons également nous développer en milieu périurbain : typiquement le SMICVAL pourrait être un bon acteur avec qui nous pourrions agir.

Nous avons également prévu l’implantation de nouveaux tunnels de nettoyage situés sur des zones proches, c’est à dire à moins de 100kms des sites de collecte.

Concrètement, je suis citoyen(ne), comment puis-je soutenir votre projet et aller dans votre sens ?

EF : C’est clair, il y a 2 façons de faire :

  • tu soutiens l’économie locale avec les petits restaurants de la région et, de préférence, l’utilisation de contenants utilisables,
  • tu parles de nous autour de toi, auprès des restaurants dans lesquels tu te rends régulièrement, car le « bouche à oreille » est assurément le meilleur moyen pour que le modèle de consigne se développe.

En effet, l’un de nos plus gros moyens d’agir est notre carte bleue.

Et l’effet COVID dans tout ça ?

EF : Ça a décalé notre prévisionnel pour les grands comptes mais ça a permis de se développer pour la restauration rapide, notamment avec le développement important de la vente à emporter.

Et comment BoxEaty se finance ? Quel est votre modèle économique ? Quels sont vos partenaires, vos sponsors ?

EF : Nous avons des partenariats avec la Région Nouvelle-Aquitaine, l’ADEME et CITEO, et avons été incubé par Bordeaux Technowest, ce qui nous a permis de nous mettre en contact avec plusieurs parties prenantes et acteurs.

Aussi, nous avons reçu par le Crédit Mutuel le prix des Idées Neuves : nous avons alors bénéficié d’un an d’accompagnement gratuit à la Technowest de Bordeaux.

Nous avons également reçu le prix CREENSO, avec notamment l’obtention de 5 000 euros de dotations nous ayant permis d’engager une stagiaire et j’ai été élue « Be a boss Nouvelle Aquitaine 2021 » (prix féminin).

Nous avons également un parrainage avec BicyCompost.

Enfin, nous faisons également partie des signataires de la Charte du Ministère pour travailler sur le réemploi de contenants livrés à domicile par des coursiers et de la Charte Ocean Friendly Restaurant de Surfrider.

Élise, tu es au quotidien dans la sensibilisation et l’accompagnement. Quel serait ton rêve ?

EF : Je voudrais que chacun participe au changement de ses modes de consommations, à la lumière de l’effet colibri.

C’est en effet déjà à ton niveau que ça se joue :  en boycottant, en changeant tes habitudes, en achetant et en consommant différemment. Agir également par la base, par la réduction à la source.

Un grand merci Élise pour cet échange et un grand bravo à vous pour votre action quotidienne. Un mot pour conclure ?

EF : Rendre accessible le réemploi & la consigne à toutes et tous est primordial.
Confiez-nous tous vos contenants et nous vous accompagnerons dans cette mission !

Pour plus d’infos, retrouvez-les sur :

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Propos recueillis par Cédric LOY, Zero Waste Bordeaux