Après un article sur Le Relais Gironde, nous continuons notre série de portraits avec Yann Berthelom, artisan boulanger et pâtissier, qui œuvre au quotidien pour réduire son impact environnemental, favoriser des produits locaux et privilégier le bien être de ses clients et de ses salariés.
#Zoom sur c’est une série de portraits d’acteurs, agissant pour un monde de demain réfléchi et durable en lien avec la réduction des déchets et la lutte contre le gaspillage. 

# 13 – Zoom sur la boulangerie pâtisserie de Yann Berthelom

Yann, nous allons passer un moment ensemble pour ce nouvel article Zoom. Merci pour ton témoignage. Tu vas aujourd’hui nous parler de ta boulangerie/pâtisserie située au Bouscat et pour laquelle tu essayes au maximum de limiter ses impacts.

Pour commencer et faire connaissance, pourrais-tu nous parler de toi et de la création de ta Boulangerie/pâtisserie ?

YB : J’ai commencé mon métier de pâtissier il y a 26 ans. J’ai poursuivi mes études jusqu’au Brevet de Maîtrise Pâtissier, puis j’ai passé le CAP Boulanger en candidat libre et, 2 ans plus tard, j’ai terminé 2ème du concours national « Le concours des jeunes entrepreneurs de France ».
J’ai ouvert la Boulangerie au Bouscat en 2014. Depuis, nous sommes passés de 3.5 salarié(e)s à 18 aujourd’hui.

Très bien, merci Yann. Et quel est l’ADN de ta boulangerie ?

YB : J’ai fait mes premiers pas dans les semences anciennes (Pour un futur meilleur) il y a maintenant à peu près 3 ans, grâce à mon Meunier Foricher Yann et Monsieur Feuillas Roland, meunier et paysan-boulanger engagé de la commune de Cucugnan (Aude) et une inspiration de tous les jours.
Une des premières choses que nous apprenons lors de ces formations est une locution que l’on n’apprend pas explicitement en médecine, mais quand même un petit peu. Elle marque mes prises de positions et de jugement tous les jours depuis : « Primum non nocere », ce qui veut dire « en premier, ne pas nuire ». J’ai en effet monté mon commerce et j’exerce au quotidien dans l’optique de :
– ne pas nuire sur l’environnement et avoir le plus faible impact écologique possible,
– ne pas nuire sur la santé humaine de mes client(e)s,
– ne pas nuire humainement au sein de ma structure, en prenant soin de mes salarié(e)s et de leur bien-être.

Nous en reparlerons plus précisément après, mais il faut savoir que nous travaillons en 100% local.

Très belle philosophie, Yann. Mais d’où t’est venu cela, quel a été ton déclic, si tu en as eu un ?

YB :  Je n’ai pas eu de déclic à proprement parler. J’ai toujours été révolté par l’inégalité et l’injustice. Aujourd’hui, je suis maître de mon sourcing et de ma production, donc j’ai normalement toutes les clés ou presque pour agir comme je le souhaite. Persuadé d’être encore loin du parfait citoyen du monde, je fais tout ce dont je suis capable et toujours prêt à ce que l’on m’apprenne comment mieux faire. J’aime le bon sens.

Tu nous disais précédemment que vous travaillez en 100% local. Tu pourrais nous en dire plus ?

YB :  Tout d’abord, 80% de nos farines viennent de semences anciennes, cultivées en agroforesterie ou en permaculture. Nous tenons à ce que les paysans chez qui nous achetons soient payés au juste prix. Ces farines, je les achète auprès de mon meunier, avec des grains sélectionnés d’année en année avec les agriculteurs qui collaborent au projet pour ensuite nous les broyer et nous les conditionner. Concernant les œufs coquilles, nous nous approvisionnons auprès d’une ferme qui n’est pas officiellement bio, mais dans laquelle la personne travaille avec bon sens : sans OGM, de plein-air, avec des œufs ultra-frais. Ces bons œufs proviennent de la Maison Tizac.
Le bio n’est pas une fatalité : beaucoup d’agriculteurs, éleveurs travaillent intelligemment sans être labellisé. Le bon sens Paysan, comme on dit.

Le bon sens s’applique aussi lorsque nous achetons notre miel auprès d’un producteur de Nouvelle-Aquitaine, plus précisément de Dordogne, ou encore notre lait cru à la ferme Tartifume située à Pessac. Même une partie de notre beurre vient des environs : « la Barrate Bordelaise », située au Bouscat. Pourquoi une partie « seulement » ? Car c’est extrêmement compliqué d’avoir plus de 100kg de beurre par semaine. Très souvent, pour les petits producteurs en bio, 100kg représentent leur production mensuelle.

Enfin, seuls notre chocolat et notre vanille ne sont pas issus de productions locales, mais notre chocolat est issu de grands crus et notre vanille, venant de Madagascar, est issue de l’agriculture biologique et vient directement du producteur, pour limiter les intermédiaires et permettre au producteur une meilleure rémunération.

Bravo Yann pour cette vigilance portée sur l’origine locale et la qualité des matières premières, pour des bienfaits sur nos producteurs mais aussi sur les clients.
Et concernant les nombreux déchets qu’une boulangerie peut représenter, des actions sont-elles réalisées et/ou envisagées ?

YB :  Pour éviter le gaspillage alimentaire, nous distribuons nos invendus à la plateforme ProxiDon : pains, viennoiseries ou encore gâteaux.
Concernant nos bio-déchets, nous avons un partenariat avec Les Détritivores. Cette action, qui a un coût, vient d’une démarche totalement volontaire de notre part, et son coût vient s’ajouter à celui que nous payons déjà de la taxe d’enlèvement des ordures.
Nous allons également arrêter totalement la distribution de poches à anses en papier et les remplacer par des sacs en tissus réutilisables. Concrètement, ça sera plus de 15 000 sacs économisés par an. Pour cette action, il nous sera indispensable d’expliquer à nos clients le but de cette démarche. Car, ce qui est surprenant, c’est qu’il n’est pas forcément toujours compris par tout le monde quand des petits artisans souhaitent limiter/arrêter la distribution de ces sacs quand, dans le même temps, l’arrêt de fourniture de sacs par la grande distribution est souvent mieux accepté.

Et as-tu d’autres pistes pour réduire davantage votre impact ?

YB : Nous réfléchissons également sur toutes les petites sacheries et les boîtes à gâteaux.
Nous nous demandons si nous ne mettrions pas quelque chose en place, pour les clients venant avec leur contenant, comme par exemple une carte abonnement. Affaire à suivre…

Yann, j’ai vu sur ta vitrine un label « éco-défis des commerçants et artisans, Gironde », pourrais-tu nous en dire plus sur ce label ?

YB : L’éco défi, organisé par la Chambre des Métiers, récompense les commerçants qui s’engagent pour un demain meilleur avec des actions comme détritivore, produit d’entretien écologique, arrêt de la sacherie etc…
Il y a une liste des commerçants sur internet, et tout le monde peut y participer. Voir ici.

Des projets d’évolution ou d’extension, de la gamme de produits ou de la structure ?

YB :  Il est prévu de réaliser des travaux dans nos locaux de production pour plusieurs centaines de milliers d’euros. Nous consommons beaucoup d’électricité, par notre activité. L’idée est que nous ayons un bâtiment avec le plus faible impact possible : structure bois, isolation en chanvre, récupération de la chaleur des chambres froides pour chauffer notre eau. A voir peut-être plus tard également pour mettre en place des panneaux solaires.

Je parlais de bien-être au travail de mes salarié(e)s au début de l’article. L’idée est que ce projet soit en cohérence aussi avec ce point, comme par exemple la mise en place d’un enfourneur électrique pour éviter les tâches répétitives et pesantes.

Et dans le quotidien de ton activité, quels sont les freins ou les difficultés que tu es sujet à rencontrer ?

YB :  Nous avons malheureusement certains fournisseurs qui souhaitent réduire leur part d’agriculture biologique au profit de l’agriculture conventionnelle, car mieux rémunératrice.

Mais, surtout, le problème est qu’il n’est pas mis à disposition des petits commerçants par la Chambre des Commerces ou la Chambre d’agriculture un carnet d’adresses recensant différents acteurs dont ils auraient besoin.
En échangeant, je me rends compte que beaucoup de producteurs aimeraient travailler en direct, de même pour les artisans. Mais il manque souvent de relation directe entre les acteurs, et l’accès à l’information n’est pas toujours évident.

Enfin, quand on est artisan/PME, on a l’impression qu’on n’a pas toujours la même facilité d’accès aux informations qu’en étant particulier ou grande entreprise. Je parle notamment de trouver les bons outils, trouver les artisans, ou encore trouver les différentes aides disponibles.

Mettons-nous dans la peau de celui qui lit cet article. Résident en Gironde, après lecture, je découvre ton commerce et aime beaucoup la philosophie et les efforts portés. Comment puis-je soutenir ta structure ?

YB :  Je suis toujours preneur si des personnes ou des entreprises ont des connaissances à partager, qu’elles souhaitent amener leur expérience et leurs conseils. Et puis, tout simplement, la personne peut venir chez nous, nous soutenir, et nous dire qu’elle apprécie notre démarche et notre philosophie.

Yann, nous arrivons à la fin de cet échange. Tu es au quotidien dans le management, l’artisanat, la coordination, l’altruisme ou encore dans le levain, « le véritable ferment du pain » comme tu dis. Si tu n’en avais qu’un. Quel serait ton rêve ? 

YB :  Ça serait d’enfin aboutir à mon projet de rénovation. Mais aussi et surtout, ça serait de me dire « enfin, mon entreprise ne dégage plus de CO2 dans l’atmosphère. »

Yann, grâce à cet échange, nous avons pu voir les différents leviers d’actions non négligeables qu’a un artisan et commerçant comme toi pour limiter l’impact de sa structure et permettre un futur désirable. Merci beaucoup pour cet échange, Yann, bravo pour ta philosophie et un grand bravo à l’ensemble de l’équipe pour la qualité de son travail.
Un mot pour conclure ? 

YB : Nous n’avons pas forcément grandi avec cette idée et cette volonté de changer les choses. Nous l’avons développée, en ayant observé et compris l’ampleur des enjeux, et nous la transmettrons à nos enfants lorsqu’ils verront que nous faisons des efforts.

Bravo à Yann Berthelom et à l’ensemble de ses équipes.

Pour plus d’infos, retrouvez-les sur :  

https://yannberthelom.fr/
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Propos recueillis par Cédric LOY, Zero Waste Bordeaux